Ils s’arrêtèrent à l’orée du bois. Ils descendirent de la voiture. Paul sortit trois paniers du coffre qu’il distribua.
« On va ramasser ce qui pourrait lui être utile au passage » précisa-t-il.
Après une bonne demi-heure de marche, ils arrivèrent au pied d’une paroi rocheuse devant la maison du vieil homme. Paul pénétra à l’intérieur et fit quelques pas.
« Bonjour monsieur Eugène. Ça faisait longtemps que je n’étais pas venu vous voir » annonça-t-il. François et Nicolas entrèrent à leur tour à ces paroles. Le prénom ainsi évoqué interpella le jeune homme.
« Oh, mais c’est le petit Paul ! » s’exclama celui-ci.
« Je vois que tu as pensé à me porter quelques bienfaits de la nature » ajouta-t-il en voyant les paniers remplis de plantes, de champignons, de bois, d’écorces et de divers minéraux.
« En effet, je n’ai pas oublié ce que vous m’avez appris » souligna le jeune homme.
« Je vous présente François, mon meilleur ami, et Nicolas, un garçon que je souhaitais vous faire rencontrer » indiqua-t-il.
Il s’avança vers l’adolescent, aperçu le médaillon et dit :
« C’est l’héritier de l’esprit de la terre n’est-ce pas »
« En effet. Et il est en danger » signala Paul.
« Je vois. Tu veux donc de l’aide pour lui apprendre à se défendre » demanda celui-ci.
« Effectivement, vous êtes le seul à pouvoir le faire » admit-il.
« Je vais essayer de faire de mon mieux » termina le vieil homme.
Nicolas, toujours aussi pensif, murmura :
« Eugène, ça me dit quelque chose »
« Si Paul t’a montré la pierre qu’il garde chez lui, alors il a certainement dû m’évoquer » précisa celui-ci.
« Ah oui, ça y est ! L’ami de son grand-père » cria-t-il soudain en recouvrant la mémoire.
« Bien. Maintenant que tu te souviens du récit de cette découverte, il va falloir que j’évoque ce que nous avons trouvé par la suite à son sujet avant de passer aux choses sérieuses » expliqua le troglodyte.
« On a commencé par essayer de comprendre ce que signifiait le texte. Tout d’abord, on a constaté que la deuxième phrase nous informait sur l’existence de six pierres. Puis, dans la deuxième partie, on y apprend qu’une seule personne appelée " héritier" peut se servir des pierres une fois réunies. Néanmoins, il n’est pas dit comment cela doit se passer réellement. Par contre, là où nous avons vraiment eu du mal à comprendre, c’était la première phrase : quel était l’intérêt de diviser les pierres en deux catégories différentes ?
Nous avons donc décidé d’approfondir nos recherches. Nous avons étudié plein de documents, de livres. Nous avons également questionné des confrères, archéologues et autres savants, ainsi que des personnes liées de près ou de loin d’après les informations dont nous avions à disposition. Jusqu’au jour où, par le plus grand des hasards, Aimé est tombé sur un mémoire dans lequel figurait un des symboles encadrant le texte. Même s’il manquait beaucoup de pages, il était écrit que ce symbole représentait l’esprit de la lumière, un attribut spécial, un des six attributs chargés de protéger les pierres. Et c’est là que nous avons enfin su que la première phrase parlait de ceux chargés de la protection de ces pierres. Le seul mystère qui subsiste encore c’est comment l’héritier doit utiliser l‘objet ainsi obtenu » narra-t-il.
« Bon, en ce qui te concerne mon garçon, il faut que tu apprennes à ressentir ton élément, à ne faire qu’un avec la terre, les minerais. Et c’est seulement après que tu pourras vraiment te protéger » conseilla-t-il.
« Ressentir mon élément… Ne faire qu’un avec la terre… » marmonna celui-ci.
« En effet, c’est ce à quoi tu dois arriver dans un premier temps » indiqua-t-il.
« Vous devriez l’emmener à la clairière des œufs de pierre, c’est l’endroit idéal pour ce genre de situation. Mais, avant cela, vous devriez reprendre des forces, la traversée des bois jusqu’ici est assez fatigante » recommanda-t-il.
« Effectivement, c’est une sage décision. Nous irons après le repas » concéda Paul avant d’ajouter :
« Tu peux aller faire un tour Nicolas. On doit parler entre nous ».
« Aucun souci » répondit le garçon en se dirigeant vers l’entrée.
« Vous voulez rajouter quelque chose maintenant que nous sommes seul ? Je vous ai vu sur la réserve pendant votre discours » questionna François.
« C’est exact. En fait, cet endroit était le terrain d’entraînement du précédent héritier de l’esprit de la terre » expliqua le vieil homme. A ces mots, celui-ci fronça les sourcils et son visage se crispa.
« Je voulais aussi évoquer la naissance de ce lieu, dont la cause vous est inconnue je suppose » poursuivit-il.
« Non, vous avez raison » confirma Paul.
« A l’origine, il n’y avait pas de forêt ici. Il y a environ deux cents ans, des sorciers ont effectué des expériences sur des âmes humaines. Ils s’intéressaient à la vie après la mort, notamment la réincarnation. Cependant, les hautes instances décidèrent de les stopper, du fait des dommages subits par la population environnante. Ils les ont chassés, puis ils ont réalisé un anneau de cendres de quatre kilomètres de diamètre pour empêcher les âmes de s’échapper et, pour terminer, ils ont planté des arbres dans le but d’apaiser ces esprits torturés. En conclusion, soyez prudent quand vous vous aventurez dans cette forêt » narra le troglodyte.
« On sera prudent. Ne vous inquiétez pas » exprima Paul pour le tranquilliser.
Soudain, il s’écroula, se retrouvant à genoux appuyé sur ses bras. Il crachait du sang avec sa bouche.
« C’est pas vrai, tu as encore une " crise " » s’écria François sous le choc.
« Ne te fais pas de souci, elle ne sera pas importante. Après tout, je n’ai utilisé que mon don de langage universel » le rassura-t-il.
Une fois remis de son malaise, il préparèrent le déjeuner. Le repas terminé, ils se dirigèrent vers la clairière en question. Sur un rocher en bordure, Paul et François aperçurent la silhouette d’un homme donnant l’impression d’attendre quelque chose ou quelqu’un. Encore quelques pas et François s’arrêta net, le visage visiblement tendu par la colère qui montait en lui.
« Je me sens pas bien. Je retourne à la grotte » prétexta-t-il pour ne pas aller plus loin.
Il repartit en sens inverse. Paul accompagna Nicolas jusqu’à destination. Le jeune homme s’assit en plein milieu, les jambes croisées et les bras tendus sur le côté pour ne pas tomber. Il était serein, fermant les yeux afin de se concentrer le plus possible. Paul se tenait contre un arbre en lisière. Ils restèrent comme ça jusqu’au crépuscule, en faisant des pauses régulières quand la fatigue ou l’ennui se faisaient sentir, et ils rentrèrent avant que la nuit tombe.
Ils dînèrent dans l’entrée. La collation terminée, ils discutèrent avec Nicolas pour avoir ses impressions sur son apprentissage mais rien de concret après seulement un après-midi. Puis ils allèrent tous se coucher.